Traitement fiscal des œuvres d’art et autres objets de collection
Vous collectionnez des œuvres d'art, des timbres, des vins ou des antiquités? Les conséquences fiscales peuvent varier lorsque vous vous départissez de ces objets. Le saviez-vous?
Jamie Golombek et Debbie Pearl-Weinberg
02 nov. 2023
Lecture de 8 minutes
Selon les règles fiscales, un bien à usage personnel est un bien affecté principalement à votre usage ou à votre agrément personnel. Un grand nombre d’objets de collection appartiennent à cette catégorie. Lorsque vous disposez de ces biens, ou si vous les conservez jusqu’à votre décès, il se peut que vous réalisiez un gain en capital ou que vous subissiez une perte en capital.
Le montant du gain ou de la perte en capital est déterminé comme suit : si le prix d’achat du bien était inférieur à 1 000 $, il est considéré comme étant égal à 1 000 $. Si le produit de la disposition est inférieur à 1 000 $, il est réputé être de 1 000 $ aux fins de l’impôt. Autrement dit, la vente d’un bien à usage personnel n’entraîne aucun gain en capital si le montant de la vente est inférieur à 1 000 $. Toutefois, les pertes en capital liées à des biens à usage personnel sont réputées être nulles, à moins que le bien ne tombe dans la catégorie spéciale des « biens meubles déterminés », dont il est question ci-après.
Exemples
Sophie vend pour un montant de 2 100 $ une pièce de monnaie ancienne qu’elle a achetée pour 850 $. Puisque le prix d’achat de la pièce de monnaie était inférieur à 1 000 $, aux fins du calcul du gain, ou de la perte en capital, il est augmenté à 1 000 $. Par conséquent, le prix de base rajusté (PBR) est réputé être de 1 000 $ et, compte tenu du prix de vente de 2 100 $, Sophie déclarera un gain en capital de 1 100 $ aux fins de l’impôt.
Raymond possède une voiture classique qu’il a achetée en 2019 pour un montant de 155 000 $. Raymond vend la voiture en 2023 pour un montant de 125 000 $. Il réalise donc une perte de 30 000 $ [155 000 $ - 125 000 $] sur cette vente. Toutefois, comme il s’agit d’un bien à usage personnel, la perte en capital est réputée être égale à zéro et ne peut être utilisée pour réduire des gains en capital. Veuillez noter que la voiture ancienne n’est pas considérée comme un « bien meuble déterminé », comme il est décrit ci-après.
Les objets suivants sont considérés comme des biens meubles déterminés :
- estampes, gravures, dessins, tableaux, sculptures ou autres œuvres d’art de même nature;
- in-folios rares, manuscrits rares ou livres rares;
- bijoux, pièces de monnaie et timbres.
Si la disposition de biens meubles déterminés donne lieu à une perte en capital, cette perte peut uniquement être utilisée pour réduire les gains en capital provenant de la disposition d’autres biens meubles déterminés. Les pertes peuvent aussi être appliquées aux trois années précédentes et aux sept années suivantes, mais, même durant ces années, elles peuvent uniquement être utilisées pour réduire des gains découlant de la disposition d’autres biens meubles déterminés.
Exemple
En 2023, Robert vend pour 650 000 $ une toile qui lui avait coûté 400 000 $. Il réalise donc un gain en capital de 250 000 $ [650 000 $ - 400 000 $]. Si, durant la même année, il vend également pour 120 000 $ une sculpture qu’il a achetée pour 200 000 $, il réalise une perte en capital de 80 000 $ [200 000 $ - 120 000 $]. Cette perte en capital peut être portée en diminution du gain en capital que Robert a réalisé à la vente de la toile et ainsi en arriver à un gain en capital net de 170 000 $ sur la disposition de biens meubles déterminés [250 000 $ - 80 000 $]. La perte en capital de 80 000 $ ne peut toutefois servir à réduire un gain en capital qui découle de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés. Si Robert n’avait pas réalisé de gains liés à des biens meubles déterminés en 2023, la perte aurait pu être reportée en arrière trois ans ou reportée en avant sept ans et être portée en diminution de tout gain en capital lié à des biens meubles déterminés réalisé ces années-là.
Des règles spéciales s’appliquent lorsque les objets de collection que vous possédez sont réputés constituer un ensemble d’objets et que vous n’en vendez qu’une partie à une seule personne. Un groupe d’objets est traité comme une collection si tous les objets sont généralement cédés en même temps et réputés aller ensemble. Souvent, la valeur de la collection est supérieure à la somme des valeurs individuelles des objets. Par exemple, des timbres différents émis en même temps, ou durant une courte période, par un pays sont généralement considérés comme une collection. Dans ce cas, la collection est considérée comme un seul bien à usage personnel et le seuil de 1 000 $ au titre du prix d’achat et du produit de la disposition s’applique à toute la collection. Cette règle a pour but d’empêcher un contribuable de vendre les objets d’une collection au moyen de plusieurs transactions dans le but d’utiliser le seuil de 1 000 $ pour chaque transaction et de réduire le gain en capital total aux fins de l’impôt.
Puisque vos biens à usage personnel ne servent pas à tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien, vous ne pouvez demander la déduction pour amortissement (DPA ou amortissement aux fins de l’impôt). Il peut toutefois arriver que vous achetiez un objet de collection pas seulement pour votre usage et votre agrément personnels. Par exemple, vous pouvez acheter une œuvre d’art dans le but de l’exposer dans votre lieu de travail. Dans ce cas, l’œuvre d’art ne serait généralement pas considérée comme un bien à usage personnel et la DPA pourrait être réclamée dans la mesure où elle est autrement permise. La plupart du temps, cependant, la DPA s’applique uniquement aux œuvres d’art canadiennes. Par ailleurs, le prix de l’œuvre d’art doit être raisonnable par rapport à la valeur de l’entreprise. Par exemple, l’ARC pourrait considérer qu’une DPA n’est pas raisonnable pour une toile d’une valeur de 800 000 $ si votre entreprise est évaluée à 700 000 $, sans tenir compte de l’œuvre d’art.
Fiducies pour enfants mineurs
Vous pouvez choisir de garder des objets de collection dans une fiducie dont les bénéficiaires sont vos enfants. Si vous faites don d’un objet de collection à une fiducie, vous êtes généralement réputé avoir disposé de l’objet à sa juste valeur marchande et vous pouvez réaliser un gain ou une perte en capital à ce moment-là. Toutefois, tout gain en capital découlant de la disposition ultérieure de l’objet par la fiducie ne vous sera pas réattribué et pourra être distribué aux enfants et imposé entre leurs mains. Vous pouvez choisir d’utiliser la structure de fiducie afin que le fiduciaire garde le contrôle sur l’objet et puisse décider s’il doit être conservé ou vendu. Comme c’est le cas pour toute fiducie, il est important de documenter avec exactitude les modalités de la fiducie, comme les pouvoirs du fiduciaire et quand et comment les biens de la fiducie peuvent être distribués. Vous devriez obtenir des conseils juridiques sur la façon d’établir et de gérer la fiducie.
La « règle des 21 ans » est un élément à prendre en considération. Pour empêcher le report illimité de l’impôt sur les gains en capital accumulés à l’égard des biens, y compris les objets de collection d’une fiducie, les lois fiscales établissent qu’une « disposition réputée » des actifs de la fiducie a lieu tous les 21 ans, laquelle disposition peut donner lieu à un impôt payable sur les gains en capital accumulés1. Cet impôt peut être reporté en transférant les actifs de la fiducie aux bénéficiaires, ce qui peut être fait au PBR du bien de la fiducie. C’est ce qu’on appelle un « roulement » des biens de la fiducie aux bénéficiaires effectué au coût aux fins de l’impôt.
Selon l’âge des bénéficiaires de la fiducie, vous pourriez ne pas être à l’aise avec le fait qu’ils reçoivent les biens de la fiducie dans 21 ans. Par exemple, si le bénéficiaire de la fiducie est actuellement âgé de deux ans, vous devez déterminer si vous souhaitez qu’il détienne le bien et en ait le contrôle à ses 23 ans, ou si vous prenez le risque de payer de l’impôt sur les gains en capital réalisés par la fiducie dans 21 ans plutôt que de transférer le bien au bénéficiaire pour vous éviter la charge fiscale liée à la disposition réputée.
Dons
ISi vous faites don d’un objet de collection personnellement, le don sera généralement admissible au crédit d’impôt pour don de bienfaisance. Un tiers pourrait devoir évaluer la juste valeur marchande du bien.
Si l’objet est considéré comme un « bien culturel certifié » par la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels (la « CCEEBC ») et que le don est effectué à une entité canadienne désignée par le ministre du Patrimoine canadien, vous pourriez avoir droit à un avantage fiscal additionnel : tout gain en capital qui résulterait du don ne serait pas imposable. Seul un organisme désigné qui reçoit le don peut demander la certification d’un objet auprès de la CCEEBC.
La CCEEBC décrit les biens culturels comme des « objets artistiques, historiques ou scientifiques » appartenant à différentes catégories, comme :
- les objets archéologiques, les fossiles et les minéraux;
- les objets de culture matérielle ethnographique, y compris les objets autochtones, métis et inuits;
- les objets militaires;
- les objets d’art appliqué ou décoratif ou des beaux-arts;
- les instruments de musique;
- les collections audiovisuelles telles que les films, vidéos, nouveaux médias et médias numériques;
- les documents textuels et graphiques et les enregistrements audiovisuels de documents d’archives.
Si vous faites don d’un bien à usage personnel qui pourrait être certifié par la CCEEBC, envisagez de discuter d’une éventuelle demande de certification avec l’organisme qui reçoit le don.
1 Certaines fiducies sont exclues de cette règle, notamment les fiducies de conjoint, les fiducies en faveur de soi-même et les fiducies mixtes au profit du conjoint.
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