Être ou ne pas être : la récession de 2023

Parlons de récession

Une récession se définit généralement comme un déclin économique, où la valeur des biens (produit intérieur brut) connaît une croissance négative, sur deux trimestres consécutifs.

Dans un cycle économique typique, l’économie monte et descend aussi sûrement que les marées. Les banques centrales, les gouvernements et d’autres décideurs peuvent tenter de remédier à la situation en contrôlant l’expansion tout en essayant de réduire la douleur causée par le ralentissement, mais rien ne peut arrêter cette force de la nature. Lorsque l’économie fonctionne à plein régime sur tous les niveaux, la positivité et l’optimisme abondent. Les gens dépensent leur revenu disponible plus librement, les entreprises commencent à prendre de l’expansion et les embauches se multiplient.

Par conséquent, le marché du travail se resserre, la demande commence à dépasser l’offre et les prix commencent à augmenter. En réponse à la surchauffe de l’économie, les banques centrales pourraient resserrer leur politique monétaire en augmentant les taux d’intérêt. Face à la hausse des coûts d’emprunt et à la chute des prix des actifs, les consommateurs réduisent leurs dépenses et les entreprises repensent à l’expansion. Les discussions sur la récession commencent et deviennent bientôt une prophétie qui s’autoréalise alors que les consommateurs et les entreprises se serrent la ceinture. Enfin, lorsque les prix baissent, l’optimisme revient et les consommateurs et les entreprises tentent de profiter du creux du marché. L’économie s’accélère et le cycle se poursuit.

Si la hausse des taux d’intérêt a déclenché les discussions sur la récession il y a plus d’un an, pourquoi faut-il tant de temps pour que cet iceberg qui approche frappe l’économie? De plus, si la Banque du Canada a augmenté le taux du financement à un jour de 0,25 % à 4,00 % en neuf mois pour lutter contre l’inflation, pourquoi cette dernière demeure-t-elle si élevée?

Répondons d’abord à la deuxième question : comment l’inflation a-t-elle avoisiné les 10 % et pourquoi est-il si difficile de la faire baisser?

Il faut analyser divers facteurs pour répondre à cette question, mais j’en viens à trois perturbations simultanées causées par la pandémie. L’ère de la COVID-19 a entraîné des dépenses gouvernementales sans précédent, mis à rude épreuve les chaînes d’approvisionnement mondiales et étouffé la demande. Une économie mondiale n’avait jamais auparavant connu trois coups consécutifs de cette ampleur. Par conséquent, les réponses n’ont pas été testées et les résultats demeurent incertains.

La première mesure a été prise par les décideurs. Les banques centrales ont injecté des liquidités dans le système en réduisant les taux d’intérêt à presque zéro, promettant de les maintenir à ce niveau, et en achetant d’énormes quantités d’obligations. Les gouvernements ont ensuite adopté un état d’esprit de superhéros et ont envoyé des chèques aux consommateurs et aux entreprises pour les maintenir à flot alors qu’ils étaient obligés de rester à la maison. Cela a fonctionné à merveille à court terme et a permis d’éviter un effondrement complet de l’économie au début de 2020. Toutefois, le fait d’ajouter de l’argent à une économie sans augmenter la capacité de production était susceptible de causer l’inflation. Selon la macroéconomie de base : lorsque vous ajoutez de l’argent au système sans augmenter le nombre de biens, les prix augmentent.

La deuxième perturbation que subit le système touche l’offre. Alors que les économies du monde entier ont souffert de diverses formes de confinement, les chaînes d’approvisionnement « juste à temps » qui se sont déployées partout dans le monde se sont interrompues. Les coûts d’expédition ont grimpé en flèche, les magasins ont vu leurs étagères vides et les énormes ports ont commencé à se remplir de conteneurs de marchandises. Comme le coût des affaires augmentait, les entreprises ont commencé à répercuter une partie de cette hausse sur leurs clients.

Troisièmement, pendant près de deux ans, les consommateurs n’ont pas pu dépenser comme ils s’y étaient habitués. Alors que les consommateurs ont commandé plus de biens sur Amazon en regardant en rafale la dernière série sur Netflix, en raison des ordres liés au confinement, ils ne pouvaient pas voyager, aller au spa, essayer le nouveau restaurant du coin ou assister à une partie de hockey. Comme les dépenses étaient limitées, les soldes des comptes bancaires ont commencé à augmenter et les taux d’épargne ont grimpé en flèche. Lorsque les économies ont commencé à rouvrir, cette demande comprimée a été libérée avec vengeance.

Revenons maintenant à la lutte contre l’inflation. Malheureusement, sur ces trois problèmes, l’arme de choc de la banque centrale contre l’inflation ne fonctionne que du côté de la demande. Elle ne peut pas faire disparaître la nouvelle frappe de la monnaie, bien que des taux plus élevés puissent absorber légèrement les liquidités excédentaires. Elle ne peut pas forcer d’autres pays à assouplir leurs restrictions liées à la COVID-19 plus rapidement ou à contribuer à la production mondiale de puces informatiques. Tout ce qu’elle peut faire, c’est augmenter les taux afin d’atténuer la demande excédentaire. Toutefois, ce qui est préoccupant, c’est qu’en ne s’attaquant qu’à un seul pied d’un tabouret à trois pieds, la banque centrale court le risque de faire basculer l’ensemble de l’économie de façon soudaine et grave.

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, dans un cycle économique typique, la hausse des taux ralentit une économie en surchauffe et une récession s’ensuit habituellement. La banque centrale fait ensuite baisser les taux et l’économie se redresse. Avec une inflation qui reste obstinément élevée et des taux qui continuent de grimper, il n’est pas difficile de soutenir que le pire est encore à venir.

Sommes-nous en récession? Selon la définition susmentionnée, ce n’est pas le cas. Cela dit, est-il plus raisonnable de présumer qu’une récession approche? On pourrait le croire, puisque les hausses rapides des taux d’intérêt précèdent généralement une récession. Si une hausse aussi rapide des taux signifie qu’une récession est inévitable, pourquoi faut-il tant de temps pour que l’économie le ressente?

Trois raisons se dégagent après avoir observé le problème pendant un certain temps :

1. Par le passé, il y avait un écart entre les mesures prises par la banque centrale et le moment où l’économie en ressentait les effets. Il y a un débat sur l’ampleur de l’écart, mais il est généralement admis que la véritable douleur causée par le resserrement monétaire, comme la hausse des taux, pourrait ne pas être ressentie avant au moins un an. Si c’est le cas, l’économie commence peut-être tout juste à ressentir toute la force de la première hausse en mars 2022. Par conséquent, l’ampleur réelle du resserrement monétaire observé en 2022 pourrait ne pas être ressentie avant la mi-2023, le ralentissement ne touchant que la fin de l’année.

2. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les taux d’épargne ont grimpé en flèche pendant la pandémie. Les chèques du gouvernement maintenaient les factures des consommateurs et des entreprises à jour alors qu’ils étaient confinés à la maison, ce qui faisait que cet argent n’avait d’autre choix que d’aller dans des comptes d’épargne. À mesure que l’économie ralentit et que l’inflation s’installe, ce niveau d’épargne anormalement élevé pourrait maintenir la croissance économique pendant plus longtemps, et la récession pourrait survenir plus tard. Les dépenses alimentées par l’épargne peuvent-elles soutenir l’économie assez longtemps pour résister à la hausse des taux sans une récession complète? Cela pourrait être possible et serait le scénario idéal pour la banque centrale.

3. La demande comprimée ne s’est pas encore essoufflée. C’est peut-être injuste, mais l’inflation et les coûts d’emprunt élevés ne nuiront pas à tout le monde de la même façon. Les personnes qui ont conservé un emploi bien rémunéré tout au long de la pandémie sont impatientes de continuer à dépenser maintenant que l’économie est ouverte. De plus, au cours des trois dernières années, ce groupe de personnes a réussi sur les marchés des actifs, comme l’habitation et les actions. Par conséquent, elles ont hâte de prendre des vacances, de se gâter au spa ou d’aller au nouvel endroit populaire. Elles vivront toute expérience qui leur a été refusée pendant que les restrictions liées à la COVID-19 étaient en vigueur, même si cela coûte un peu plus cher. La conséquence inattendue est que les personnes qui ont de l’argent à dépenser continueront de le faire et que l’inflation prendra plus de temps à s’estomper. Ceux qui ont de la difficulté à joindre les deux bouts devront faire face à des coûts encore plus élevés si la banque centrale continue d’augmenter ces derniers. 

C’est toujours facile de dire que cette fois-ci, la situation sera différente. Du point de vue économique, si la récession est différente cette fois-ci, les mesures prises au cours de la dernière année pourraient ne pas ralentir l’économie de façon radicale, le chômage pourrait ne pas augmenter et un ralentissement typique pourrait être évité. De plus, l’inflation pourrait tout de même chuter, vu l’amélioration de la chaîne d’approvisionnement et l’essoufflement de la demande comprimée.

Toutefois, si ce n’est pas différent, les taux plus élevés pourraient freiner la demande des consommateurs, écraser le marché de l’habitation et, au bout du compte, entraîner une hausse du chômage. Cela réglerait probablement aussi le problème de l’inflation, mais pourrait causer une récession complète, qui se produirait de la façon typique, soit par une baisse de la demande des consommateurs et une hausse du chômage. Les coûts de main-d’œuvre diminueraient, car plus de travailleurs chercheraient du travail dans un plus petit bassin d’emplois, et les entreprises seraient forcées de réduire les prix en réponse à la baisse de la demande de biens et de services.

Pour ceux qui exploitent une entreprise, le mot « incertitude » sera à la mode en 2023 et les périodes d’incertitude exigent une planification stratégique sur tous les fronts. Une récession pourrait être évitée, et un ralentissement en douceur est certainement possible. Toutefois, les taux d’intérêt plus élevés permettent rarement à tout le monde de s’en sortir. Bien que le pessimisme et le découragement entourant les nouvelles commerciales actuelles puissent être exagérés, un certain ralentissement est probable au cours des 12 à 24 prochains mois. 

Les entreprises feraient preuve de prudence en mettant en place un plan de dépenses fondé sur certains seuils de vente. Avoir un plan pour un ciel dégagé, pour une mer agitée et pour tout ce qui se trouve entre les deux est toujours la meilleure solution. 

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